Mis à jour le 13 novembre 2024
Selon une idée reçue largement répandue, l’immigration coûte cher aux pays d’accueil. Elle serait un fardeau pour les travailleurs autochtones, alors que les immigrés seraient des « parasites qui profitent des systèmes sociaux des pays développés ». Mais qu’en est-il réellement ? Que disent les études statistiques à ce sujet ?
Le 14 novembre 2023, la France a définitivement adopté sa nouvelle loi immigration. Plus restrictive, cette loi a été apportée par le gouvernement macroniste comme une réponse à une extrême droite de plus en plus présente sur la scène politique et médiatique et qui ne cesse de grignoter des points dans les sondages d’opinion et aux élections. Les partis d’extrême droite, RN et Reconquête, mais aussi une partie « radicalisée » de la droite dite « républicaine », doivent leur succès à une stratégie des plus astucieuses, quoique malhonnête. La droite extrême a fait son beurre sur le dos des immigrés, ou plutôt, sur le dos d’une immigration violente et économiquement très coûteuse. Une telle immigration n’est qu’imaginaire et elle n’existe que dans les esprits d’une partie de l’électorat. “L’immigration est source de violence et d’insécurité”, affirme tantôt la droite extrême. “L’immigration coûte cher à la France”, dit-elle aussi, ajoutant souvent que “les immigrés sont tous des assistés ».
Comme l’affirme la Cimade, l’opinion publique est induite en erreur lorsqu’il s’agit d’immigration. À titre d’exemple, selon cette association qui vient en aide aux demandeurs d’asile et étrangers en situation irrégulière, la proportion d’étrangers en France tel qu’estimé par les citoyens est de 10 % plus élevé que le chiffre réel. Cette perception doit donc être corrigée. Dans cet article, nous nous attelons à démonter les mythes économiques liés à l’immigration comme ceux selon lesquels les immigrés sont des “parasites” qui “profitent des aides” ou encore, celui selon lequel “les étrangers sont un fardeau économique” pour les pays où ils choisissent de s’installer.
Non, les migrants ne nous volent pas notre travail
Un des fantasmes longtemps entretenus par les droites, surtout les droites extrêmes, est que les flux migratoires appliquent une pression sur le marché du travail et que les immigrés concurrencent les travailleurs autochtones sur les postes de travail existants ou causent une baisse des salaires. Ce supposé dumping social a longtemps été utilisé par certains acteurs politiques en France et on se rappelle tous du slogan nauséabond de Jean-Marie Le Pen pour les élections législatives de mars 1978 : « 1 million de chômeurs, c’est 1 million d’immigrés de trop ! La France et les Français d’abord ! ». À en croire le Front National et, actuellement, le Rassemblement National, l’arrêt des flux migratoires est la première solution au taux de chômage élevé en France. Or, le caractère fallacieux de cet argument a été démontré à maintes reprises par des études scientifiques sérieuses. Ainsi, Anthony Edo a démontré dans son étude “The Impact of Immigration on the Labor Market” publiée dans le Journal of Economic Surveys en 2019, que les flux d’immigrés extracommunautaires qui arrivent en Europe, quel que soit leur motif de venue (immigration économique, asile ou regroupement familial), ont un impact neutre ou positif sur le marché du travail. En d’autres termes, l’arrivée d’immigrés n’augmente pas le nombre de chômeurs et peut même contribuer à réduire ce dernier. L’étude affirme également qu’il n’y a pas de concurrence entre les nouveaux arrivants et les travailleurs autochtones, les immigrés occupant des postes de travail à faible qualification et peu rémunérés, des postes que les travailleurs non immigrés refusent d’occuper.
Ces faits ont été démontrés par de nombreuses autres études comme celle publiée en 2019 par Francesc Ortega de la Universitat Pompeu Fabra de Barcelone et Giovanni Peri de la University of California. Les deux chercheurs y ont démontré que, dans un contexte économique “normal”, l’arrivée dans un pays de l’OCDE de 10 migrants provoque la création de 17 postes de travail et que l’augmentation de la population migratoire de 1 % se répercute par une hausse du PIB de 1 %.
L’étude “Three million foreigners, three million unemployed? Immigration flows and the labour market in France” publiée par Dominique M. Gross en 2010 a montré, quant à elle, que l’immigration, dans son ensemble, avait un effet neutre sur le marché du travail à long terme et que l’immigration familiale avait un effet plutôt positif.
Non seulement l’immigration n’augmente pas la pression sur le marché du travail, mais elle permet aussi de réduire les inégalités. Ceci a été démontré pour le cas de la France et de l’Allemagne dans l’étude publiée en 2021 par Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et Dramane Coulibaly dans l’European Economic Review. Selon cette dernière, l’arrivée de migrants modifie la répartition de la richesse entre les détenteurs de capital et les travailleurs en faveur de ces derniers. La part de revenus de la classe moyenne s’en voit alors augmentée, alors que les 10 % les plus riches voient les leurs diminuer. Ces résultats sont dus à la hausse de la part du travail dans le revenu national, ce qui diminue automatiquement celle du capital. En Allemagne, cet effet a été plus visible après la vague migratoire de 2015 après laquelle l’écart de revenu entre les travailleurs très qualifiés et ceux moins qualifiés s’est significativement réduit.
Ils contribuent au système social plus qu’ils n’en bénéficient
L’autre reproche qui est régulièrement fait aux immigrés est qu’ils profiteraient du système social du pays d’accueil. Ce prétendu parasitisme a été inventé et imputé aux populations migrantes sans aucune preuve et a été, lui aussi, instrumentalisé par les pouvoirs successifs (notamment de droite) et les partis conservateurs et extrémistes pour justifier un durcissement des politiques migratoires et sociales. Ce mythe a même poussé le gouvernement et le parlement à conditionner l’accès à certaines prestations sociales à une ancienneté de séjour et de travail.
Ce mythe ne résiste pourtant pas aux réalités statistiques, puisque toutes les études menées sur cette question ont démontré, au pire un impact neutre de l’immigratoin sur les caisses de sécurité sociale et, au mieux, un apport significativement positif à ces dernières. Ainsi, selon l’étude menée par Liebig, T. and Mo, J. Publiée en 2013 par l’OCDE, les immigrés perçoivent moins de prestations individuelles qu’ils ne participent aux cotisations sociales et impôts . Une information que L’OCDE confirme dans son rapport Perspectives des migrations internationales de 2021 dans lequel on peut lire : “dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation”.
Ces données sont toutefois à nuancer, car, comme le précise l’étude “The costs and benefits of European immigration” de Rainer Münz et ses collaborateurs, l’apport des immigrés au système social est conditionné par une bonne intégration et par un accès rapide et facilité au marché du travail. Les restrictions imposées aux étrangers sans papiers et aux demandeurs d’asile qui ne peuvent travailler que sous certaines conditions contribuent ainsi moins que les immigrés ayant immédiatement accès à des postes de travail (9). Citant l’exemple des Pays-Bas, cette étude affirme ainsi que la discrimination subie par les immigrés et leurs difficultés à accéder au système d’éducation et de formation professionnelle réduit leur apport aux caisses sociales et les rend plus dépendants de ces dernières. Le défi serait donc non pas de limiter ou d’arrêter les flux migratoires, mais de mieux accompagner les nouveaux arrivants, des les protéger contre les discriminations et de leur faciliter l’accès à la formation et au marché du travail afin qu’ils contribuent de façon plus efficiente aux caisses sociales et à l’économie de leur pays d’accueil.
Ils augmentent la richesse du pays d’accueil
Contrairement aux mythes largement diffusés par les droites européennes, aucune étude n’a démontré que l’immigration appauvrit les pays d’accueil. Au contraire, des chercheurs universitaires et des institutions internationales, dont le FMI, ont démontré, dans des études exhaustives et précises, que l’immigration a un impact positif sur le produit intérieur brut des pays d’accueil. Ainsi, selon une étude publiée en 2023 par Philipp Engler et ses collaborateurs pour le compte du FMI, l’immigration, même par grandes vagues, a un impact “positif” et “considérable” sur la TFP des pays recevant cette immigration. Cet indicateur (TFP) servant à mesurer la part de la croissance d’un pays en excluant les augmentations de capital ou du volume de travail. Cet effet positif se matérialise “très rapidement et est considéré comme étant des “gains dynamiques” de l’immigration.
Selon une autre étude menée, elle aussi, pour le compte du FMI par les chercheurs Florence Jaumotte, Ksenia Koloskova et Sweta C. Saxena, l’immigration a, sur le long terme, des “effets bénéfiques” sur l’économie des pays d’accueil et qui consistent en un PIB plus élevé. Ces bienfaits pour l’économie des pays européens recevant de l’immigraiton sont, selon la même étude, “largement partagés par toute la population”, même si, nuance l’étude, “les immigrés hautement qualifiés contribuent (plus) à augmenter les revenus des 10 % de la population aux revenus les plus élevés”.
La contribution de l’immigration aux revenus d’un pays ou de la population d’accueil est corrélée aux politiques d’accueil et d’intégration, selon une étude publiée en 2016. Ainsi, elle s’inscrit dans une fourchette allant de 0,2 % à 1,4 % de croissance du PIB en plus, les apports les plus élevés étant constatés dans les pays appliquant des politiques volontaristes en termes d’accueil et d’intégration des migrants.
En conclusion, l’immigration ne représente pas un fardeau pour les pays d’accueil et elle est loin d’être un parasitisme. Au contraire, toutes les études sérieuses tendent à démontrer que les flux migratoires ont un impact positif sur l’économie locale, sur la croissance, le taux d’emploi et sur les équilibres des caisses sociales. En outre, la plupart des études consultées pour la rédaction de cet article établissent un lien direct entre les facilités qu’ont les immigrés à accéder aux soins, aux formations et au marché de l’emploi et leur contribution à l’essor économique de leur pays d’accueil.
La question que pose l’immigration en Europe et dans les autres pays développés ne devrait donc pas être celle du contrôle ou de la suppression des flux, mais celle de l’accueil, de l’intégration et de la prise en charge humaine des nouveaux arrivants.
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